Cette 14ème édition
confirme l’originalité de ce rendez-vous non seulement par la qualité des
échanges entre professionnels de santé et associations de patients, mais
surtout par la prise en compte des transformations des pratiques
professionnelles et l’importance de l’implication des usagers. La dynamique de
la journée a vérifié la pertinence du choix de maintenir ensemble tous les
participants lors de trois réunions plénières sur des sujets d’actualité très
débattus.
Première Plénière – « Du neuf dans l’accès aux soins : la télémédecine et la nouvelle convention des chirurgiens dentistes »
Jean DESMAISON, de la
belle ville de Niort et président de l’URPS des chirurgiens- dentistes, nous
présente la toute nouvelle convention nationale des chirurgiens-dentistes
conclue en juin 2018 entre les caisses d’Assurance maladie et les organisations
professionnelles. La nouvelle convention favorise l’accès aux soins dentaires, privilégie
les soins de prévention et les soins de conservation, et plafonne les actes de
prothèses. Elle propose 4 paniers de prestations : CMU-C et ACS (Aide pour une
Complémentaire Santé), RAC0 (Reste à charge zéro), M (Maîtrisé), L (Libre).
Chaque professionnel s’engage à réaliser 5% du 1er panier, 45 % du 2e, 25% du
3e, sans dépasser 30 % du 4e. De nouveaux actes sont proposés : le vernis
fluoré, surtout pour les enfants entre 6 et 9 ans, et le scellement du sillon.
Le public s’interroge
sur les dentistes « low cost », les inégalités de répartition des
professionnels, les appréhensions de sortir du domicile pour les personnes en
situation de handicap, la peur du dentiste…
Jean-Luc DELABANT,
médecin généraliste, URPS médecins, nous informe que depuis le 15 septembre
2018, la télémédecine est entrée « dans le droit commun » : elle peut être remboursée
par la Sécurité Sociale ! Ce n’est pas le malade qui décide. Seul le médecin
est habilité, mais il doit avoir vu le patient en présentiel dans l’année
précédente. Pour le remboursement, il doit rédiger une feuille de maladie, comme
autrefois. Ce dispositif est un plus pour les malades en EHPAD, en zones blanches,
dans certains domaines comme la dermatologie ou les soins bucco-dentaires.
L’espace de
confidentialité des pharmacies, surtout s’il est facilement accessible, peut-être
un lieu relais. Par contre, la rémunération des professionnels non médecins
n’est pas envisagée. La question de la confidentialité ne semble plus poser de
problème, quoique…
Patrick CHARPENTIER,
de France Assos-Santé, s’inquiète de la complexité des informations pour le
grand public et souhaite le développement des documents en langage FALC (Facile
à lire et à comprendre) au nom du droit à l’information et au libre choix du patient.
Bertrand GARROS,
président de la CRSA (Conférence Régionale de la Santé et de l’Autonomie),
insiste sur la demande sociale des usagers vis-à-vis de la Télémédecine. Les
Pouvoirs publics et l’Assurance Maladie essaient d’y répondre. C’est la
première fois que l’offre de soins s’organise en dehors des régimes
obligatoires. La télémédecine peut être menée à partir de plateformes très
éloignées géographiquement. Il nous faut raisonner autrement et favoriser l’appropriation
du bon usage de ces nouvelles techniques.
Deuxième Plénière – «
Les risques et les enjeux de l’ambulatoire »
Xavier
GOUYOU-BEAUCHAMPS, chirurgien à Bergerac, nous propose un film expliquant que
le retard du développement de la chirurgie ambulatoire est d’abord la conséquence
des restrictions successives des institutions alors que les chirurgiens étaient
prêts. La RAC (Réhabilitation améliorée après chirurgie), initiée par les
équipes scandinaves dès les années 90, aurait pu favoriser l’évolution sans la
contrainte des 12h entre l’entrée et la sortie.
Lionel LAFOND, URPS
Kiné, nous rappelle que 23 gestes sont concernés par le prado-orthopédie (prado
: programme d’accompagnement du retour à domicile).
Didier SIMON, médecin
généraliste, URPS médecins, président de Santé-Landes s’inquiète du
court-circuitage du médecin généraliste, tout en se réjouissant du logiciel PAACO/Globule
pour organiser le parcours du patient. Frédéric CORDET, gastro-entérologue,
URPS médecins, insiste sur l’importance de l’organisation de l’avant et de
l’après. Les ARS donnent des objectifs chiffrés difficiles à réaliser à marche
forcée. Et pourtant, les établissements font pression car les retards
pourraient entraîner des sanctions financières. La vision française a tout
segmenté, alors que le développement de la télémédecine et de l’ambulatoire
demande une vision globale. Avec la règle des 12h, on s’est enfermé nous-mêmes
de façon problématique. Quant à la rémunération des actes et des déplacements
des paramédicaux, la situation est apparue injuste et incompréhensible !
Troisième Plénière – «
Qualité et pertinence des soins : enjeux et implication des patients »
Selon Frédéric CORDET,
si la sécurité des patients est définie comme la réduction des risques de
préjudice évitable, la notion de pertinence des soins reste un concept flou. Il
pourrait correspondre à un ensemble associant “ la médecine par les preuves ”
(EBM : Evidence-Based Medicine), le rapport bénéfices/ risques, l’économie avec
le juste coût,
mais aussi la
préférence du patient : le bon acte, au bon patient, au bon moment, au bon endroit
! D’une part, il est nécessaire de s’intéresser à la “pertinence” en raison
notamment du coup élevé de la “non-pertinence”, d’où la politique des seuils
(nombre d’interventions par médecin, par établissement). D’autre part, il est
difficile de mesurer la pertinence autrement qu’avec des données
médico-administratives, d’où la prise en compte grandissante du PRO (Patient
Related Outcomes : résultat rapporté par le patient), c’est-à-dire le ressenti,
la satisfaction, du patient.
Ginette POUPARD, de
France Assos Santé, n’a pas les mêmes priorités. Pour elle, la pertinence des
soins passe d’abord par le juste accès aux soins, le fait d’éviter les soins redondants
et porteurs de risques, l’information claire, loyale et appropriée, pour un consentement
vraiment libre et éclairé et une vraie adhésion aux soins. Elle nous rappelle l’existence
du PAPRAPS (Plan d’Actions Pluriannuel Régional d’Amélioration de la Pertinence
des Soins) qui a justement pour but de déterminer les priorités régionales et
d’établir un plan d’actions en termes de pertinence des soins.
Pour Lionel LAFOND, si
on ne faisait que ce qui est prouvé, on ne ferait pas grand-chose. Les PREMS et
les PROMS gardent leur pertinence : les PROMS (Patient-reported outcomes measures)
évaluent les résultats des soins, les PREMS (Patient-reported experience measures)
s’intéressent à la manière dont le patient vit l’expérience des soins. Pour
évaluer la qualité des soins qui concerne autantl’accueil, la prise en charge,
le respect des droits du patient que la sécurité sanitaire, la profession
développe deux démarches : KinéQuali+ et Quali’Kiné.
François MARTIAL, URPS
pharmaciens, annonce que le 22 mars est la Journée nationale du Bon usage du
Médicament. Le public insiste sur l’implication des patients. François FRAYSSE,
directeur de la stratégie à l’ARS, plaide pour davantage associer les usagers à
ces évaluations. Bertrand GARROS s’interroge sur la pertinence des seuils, en
particulier sur la difficulté de mesurer la mortalité prématurée évitable. Il
invite à comparer les performances à l’échelle du territoire pour avoir une
image plus juste de l’ensemble des acteurs sur un problème donné.
Tout au long de la
journée, revient la question du temps et de la prise en compte financière d’actes
non pris en compte, très utiles certes mais mal voire non rémunérés.
Jacques FAUCHER,
Espace Bioéthique
Aquitain, membre de l’équipe d’organisation
jeudi 14 mars 2019