Le paiement à l’acte des soins du premier recours qui avait déjà du plomb dans l’aile va être définitivement enterré à l’occasion de deux expérimentations. Le coup de grâce lui sera donné par une multinationale étrangère...
On apprend dans la
presse que le groupe australien leader français et numéro deux européen de
l’hospitalisation privée ne compte pas se limiter à racheter les cliniques
françaises les unes après les autres mais souhaite, comme il l’a déjà fait en
Suède, contrôler à terme l’offre de soins de proximité du premier recours.
Pour ce faire, sur le
modèle suédois, seront développés des plateaux techniques d’environ 250m2
regroupant médecins généralistes, spécialistes, autres professionnels de santé,
secrétaires etc., un peu comme dans une maison de santé pluridisciplinaire.
Tout le monde y sera salarié mais contrairement aux centres de santé la
structure ne se financera pas par le paiement à l’acte mais par la capitation.
En clair ces structures seront rémunérées pour 65 à 95% par les tutelles au
travers d’un forfait annuel par patient rattaché à la structure. En Suède par
exemple, un homme de 40 ans sans pathologie déclarée rapporte 46 euros alors
qu’une personne âgée porteuse de deux pathologies chroniques au moins, vaut 300
euros.
Que des forfaits. EXIT le paiement à l’acte !
Que des médecins salariés. EXIT le médecin
libéral !
Mais comment est-ce possible dans un système
paritaire avec une convention entre l’assurance maladie et les médecins
libéraux ?
Je ne suis pas sûr que
ce mode d’organisa-tion offre les meilleures conditions à une consultation de
médecine générale :
Je pensais naïvement
qu’un médecin n’était pas seulement un ingénieur en santé ou un technicien dont
la tâche se limitait à appliquer des arbres décisionnels mais aussi et surtout
un soignant capable d’entendre, d’écouter, de comprendre, d’expliquer, de
motiver et de partager une maladie, une histoire, un moment de vie.
Soigner quelqu’un c’est
autant de logos (science) que de pathos (empathie) au moins en médecine
générale.
Si notre métier doit se résumer à celui d’ingénieur en santé alors attendons l’intelligence artificielle, elle le fera mieux que nous !
Ces organisations multiplieront les interlocuteurs, limiteront la durée de la consultation pour des raisons pécuniaires évidentes. Elles n’ont qu’un seul intérêt, c’est celui du payeur, il sait au premier janvier ce qu’il aura dépensé en fin d’année pour la santé et peut contrôler les dépenses en diminuant les forfaits à tout moment.
Et les usagers dans tout ça ? Je n’ai pas lu que l’on ait pris leurs avis ou que l’on se soit assuré de leur accord. Souhaitons qu’à nos côtés ils combattent cette mainmise des multinationales sur la médecine du premier recours.
Dr Jean-Luc DELABANT