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   Accueil / Journaux / Janvier 2020 #11 / Billet d'humeur : MÉDECINE LIBÉRALE, MÉDECIN DE FAMILLE : UNE MORT ANNONCÉE

Billet d'humeur : MÉDECINE LIBÉRALE, MÉDECIN DE FAMILLE : UNE MORT ANNONCÉE


Le paiement à l’acte des soins du premier recours qui avait déjà du plomb dans l’aile va être définitivement enterré à l’occasion de deux expérimentations. Le coup de grâce lui sera donné par une multinationale étrangère...

On apprend dans la presse que le groupe australien leader fran­çais et numéro deux européen de l’hospitalisation privée ne compte pas se limiter à racheter les cliniques françaises les unes après les autres mais souhaite, comme il l’a déjà fait en Suède, contrôler à terme l’offre de soins de proximité du premier recours.

Pour ce faire, sur le modèle suédois, seront développés des plateaux tech­niques d’environ 250m2 regroupant médecins généralistes, spécialistes, autres professionnels de santé, secré­taires etc., un peu comme dans une maison de santé pluridisciplinaire. Tout le monde y sera salarié mais contraire­ment aux centres de santé la structure ne se financera pas par le paiement à l’acte mais par la capitation. En clair ces structures seront rémunérées pour 65 à 95% par les tutelles au travers d’un forfait annuel par patient rattaché à la structure. En Suède par exemple, un homme de 40 ans sans patholo­gie déclarée rapporte 46 euros alors qu’une personne âgée porteuse de deux pathologies chroniques au moins, vaut 300 euros.

Que des forfaits. EXIT le paiement à l’acte !

Que des médecins salariés. EXIT le mé­decin libéral !

Mais comment est-ce possible dans un système paritaire avec une convention entre l’assurance maladie et les méde­cins libéraux ?

L’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale autorise l’expérimentation territoriale de nouvelles organi­sations et de nouveaux modes de finan­cement du système de santé qui, après une évaluation positive, pourront être généralisés. Le but annoncé étant de faciliter les parcours et la coordination des acteurs sur des thématiques.
Bien entendu, ce groupe a sauté sur l’occasion avec, disent-ils, la bénédic­tion des pouvoirs publics pour ouvrir dès l’an prochain deux structures en ré­gion parisienne et deux autres en Au­vergne Rhône Alpes.
Quel exercice pour le médecin qui succé­dera au généraliste libéral disparu ?

Je ne suis pas sûr que ce mode d’organisa-tion offre les meilleures conditions à une consultation de médecine générale :

Je pensais naïvement qu’un médecin n’était pas seulement un ingénieur en santé ou un technicien dont la tâche se limitait à appliquer des arbres décision­nels mais aussi et surtout un soignant capable d’entendre, d’écouter, de com­prendre, d’expliquer, de motiver et de partager une maladie, une histoire, un moment de vie.

Soigner quelqu’un c’est autant de logos (science) que de pathos (empathie) au moins en médecine générale.

Si notre métier doit se résumer à celui d’ingénieur en santé alors attendons l’intelligence artificielle, elle le fera mieux que nous !

Ces organisations multiplieront les interlocuteurs, limiteront la durée de la consultation pour des raisons pé­cuniaires évidentes. Elles n’ont qu’un seul intérêt, c’est celui du payeur, il sait au premier janvier ce qu’il aura dépen­sé en fin d’année pour la santé et peut contrôler les dépenses en diminuant les forfaits à tout moment.

Et les usagers dans tout ça ? Je n’ai pas lu que l’on ait pris leurs avis ou que l’on se soit assuré de leur accord. Sou­haitons qu’à nos côtés ils combattent cette mainmise des multinationales sur la médecine du premier recours.


Dr Jean-Luc DELABANT





L'union Régionale des Médecins Libéraux

  • > représente les médecins libéraux dans les instances
  • > organise l'offre de soin sur les territoires
  • > développe des innovations en santé